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HISTOIRE DE L’ART

 

A R T   C O N C R E T

 

En 1930 Nom suggéré par le Hollandais Théo van DOESBOURG.
Ce mouvement fut créé en réaction contre la fondation de Cercle et Carré par Seuphor et Torrès-Garcia. Van Doesburg, d’abord allié à Cercle et Carré refuse de participer à son exposition et crée alors le groupe ART CONCRET, qui rassemble Hélion, Carlsund, Tutundjian et Wantz, et publie un numéro unique de revue. Théo Van DOESBURG publie en 1930 sous forme de manifeste les « bases de la peinture concrète » :
« Il réclame que l’œuvre d’art soit issue d’une conception mentale, que sa réalisation s’opère exclusivement à partir d’éléments plastiques tels que les lignes, les plans, les surfaces, les couleurs … … L’exécution doit être exacte, l’art doit se libérer de l’objet, mais être concret, répondant à l’exigence de clarté et de rigueur. »
(Extrait du « Manifeste des bases de la peinture concrète »
Théo van Doesburg - 1930)

L’ART CONCRET est basé sur la raison - il se rapporte à la réalité ; Le Concret est opposé à l’abstrait - Les œuvres concrètes prennent naissance à partir de la fréquentation des matériaux plastiques, des lignes, couleurs, surfaces et de l’espace.
Ces idées sont reprises en 1944 par un groupe d’artistes Suisses : Max Bill, Andréas Christen, Graeser, Loewensberg, Richard-Paul Lohse, Nelly Rudin et Carlo Vivarelli. Ils ont en commun de réaliser un Art rigoureusement non figuratif, dont chaque élément est déterminé par des règles simples et a priori : composition à base orthogonale, formes minimales, couleurs généralement primaires et complémentaires posées en aplats, sans modulation. Ces choix prennent tout leur sens par leur inscription dans un projet social - où se ravivent les espoirs du Bauhaus et du Werkbund Allemand : il s’agit de réaliser un “Art mesurable”, valable pour tous, avec des formes qui pourront s’adapter à toutes les situations, êtres comprises de tous les publics, afin de créer un langage universel, identique à celui de la science ou de la musique.
Le groupe ART CONCRET, très soucieux de diffuser ses principes, publie plusieurs ouvrages et réalise d’importantes expositions de peintures et de sculptures ou d’art appliqués. « Kronkrete Kunst » (1944) ou « Kunst und Photographie » (1952-Lucerne). Son influence s’exercera non seulement en Suisse, mais aussi dans les pays voisins.

L’ART CONCRET se prête parfaitement à faciliter l’approche d’un Art mal connu.
Jean Arp, un des pionniers de l’art moderne a écrit :
« L’ART CONCRET veut transformer le monde, il veut rendre l’existence plus supportable. Il veut sauver l’homme de la folie la plus dangereuse :
La vanité.
Il veut simplifier la vie de l’homme.
Il veut l’identifier avec la nature. ...
L’ART CONCRET est un Art élémentaire, naturel, sain, qui fait pousser dans la tête et le cœur des étoiles de la paix, de l’amour, de la poésie. »

Depuis 1987 existe à Zurich une fondation pour un Art Constructif et Concret, soulignant la permanence, au XXe siècle et tout particulièrement en Suisse, de cet Art dont les œuvres, selon Max Bill, font bien « l’économie de l’abstraction » puisqu’elles sont « issues de leurs moyens fondamentaux et suivent leurs lois propres, sans références extérieures à l’apparence naturelle »

(Notre artiste GERHARD HOTTER applique dans l’espace la théorie du mathématicien Langford)

 

Manifeste I de l’ ART CONCRET

L’art est universel
L’œuvre d’art doit être entièrement conçue et formée par l’esprit avant son exécution. Elle ne doit rien recouvrir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de la sentimentalité.
Nous voulons exclure le lyrisme, le dramatisme, le symbolisme, etc. …
Le tableau doit être entièrement construit avec des éléments purement plastique, c’est à dire plans et couleurs. Un élément pictural n’a pas d’autre signification que « lui-même » , en conséquence le tableau n’a pas d’autre signification que « lui même ».
La construction du tableau, aussi bien que ses éléments, doit être simple et contrôlable visuellement
La technique du tableau doit être mécanique, c’est-à-dire exacte, anti-impressionniste.
Effort pour la clarté absolue.

Carlsund, Van Doesburg, Hélion, Tutundjian, Wantz

 

Manifeste II de l’ ART CONCRET

L'art concret n'est pas un dogme, pas un "isme", il est l'expression d'une pensée intellectuelle. Il connaît une pluralité de langages.
L'art concret est déterminé par le résultat, par la visualisation d'une pensée et non d'une méthode.
L'art concret est le reflet de l'esprit humain pour l'esprit humain.
L'art concret s'oppose au sentimental, s'oppose au mysticisme.
L'art concret n'est pas une interprétation, une illustration, un symbole. Il est le réel.
L'art concret n'est pas une transposition de la nature.
Il n'est pas une abstraction.
L'art concret n'est pas narratif.
littéraire.
Il est proche de la musique.
L'art concret prend forme avec l'aide de la couleur, de l'espace, de la lumière, du mouvement. C'est ainsi qu'il se concrétise.
L'art concret ne témoigne pas du privé. Il confirme l'universel.
L'art concret est lié à l'architecture, au dessin industriel.
L'art concret englobe le monde artificiel. Il ne différencie pas l'Art de l'art appliqué. La différence se situe dans la fonction.
L'art concret veut mobiliser notre sens esthétique, notre créativité, notre conscience sociale.
L'art concret veut clarifier, participer à l'harmonisation de notre monde artificiel.

 

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A R T   C O N S T R U I T

 

Élaboration et conception afin de réunir des parties entre-elles, elles-mêmes provenant du Constructivisme

Tableau chronologique de l'art constructif

1900 -  A l'intérieur du mouvement international de l'Art Nouveau, un style géométrique (dit « des petits carrés ») naît à Glasgow, à Amsterdam et à Vienne.

1907 - Picasso peint "Les Demoiselles d'Avignon", le premier tableau cubiste.

1908 - Picasso et Braque développent le cubisme.

1909 - Le journal parisien "Le Figaro" publie le (Manifeste du Futurisme) de F.T. Marinetti.

1910 - Kandinsky crée la "peinture absolue", un style libre de toute référence à la réalité.

1911 - A Paris, le tchèque Frank Kupka produit des compositions horizontales et verticales ou circulaires à caractère musical.

1912 - Dans l'almanach "Der Blaue Reiten", Kandinsky publie ses conceptions sur le problème de la forme et fait simultanément paraître un ouvrage intitulé "Du spirituel dans l'art" (première édition française 1947).

1913 - Première grande exposition d'art moderne européen et américain sous le titre de « Armory Show » à New York. Le Russe Tatline crée ses premières constructions spatiales qu'il nomme "contre-reliefs".

1915 - Première exposition futuriste à St Petersbourg, (Tramway W). Malévitch publie son (Manifeste suprématiste) et expose son "Carré noir sur fond blanc".

1917 - Création du groupe hollandais "De Stijl" et de la revue du même nom par van Doesburg, Mondrian et d'autres artistes.

1919 - Lissitzky expose ses premiers tableaux constructivistes qu'il définit comme "art de production". L'architecte Walter Gropius fonde le Bauhaus à Weimar, pour lequel il engage dans les années qui suivent les peintres Lyonel Feininger, Johannes Itten, Paul Klee, Oskar Schlemmer, Laszlo Moholy-Nagy, Wassili Kandinsky ainsi que, plus tard, Josef Albers et d'autres artistes renommés.

1920 - Mondrian donne le nom de "néo-plasticisme" à la peinture du groupe "De Stijl". Plus tard, van Doesburg utilisera le terme d'"élémentarisme". Tatline expose la maquette de sa tour destinée à la Troisième Internationale. A Moscou, Gabo et Pevsner pubient le "Manifeste réaliste".

1921 - Un groupe d'artistes constructivistes se crée à Moscou. C'est Varvara Stepanova qui, dans un discours, emploie pour la première fois le terme de constructivisme.

1922 - Première exposition des constructivistes russes à Berlin. Un congrès international d'artistes progressistes se réunit à Dusseldorf. La tentative de fonder une Internationale du constructivisme échoue. Alexeï Gan publie les premiers écrits théoriques sur le constructivisme. A Vitebsk, Malévitch rédige son livre (Le suprématisme -Le monde).

1925 - Le Bauhaus quitte Weimar pour Dessau.

1930 - Van Doesburg lance le terme d'"art concret" dans la revue du même nom.

1931 - Naissance du mouvement artistique international (Abstraction-Création) à Paris. A Moscou et à Leningrad, une exposition de constructivistes russes est qualifiée d'art décadent. L'instauration par Staline d'un (réalisme socialiste) prive le constructivisme du droit de cité en Union soviétique.

1933 - Le Bauhaus, récemment installé à Berlin, est fermé par le gouvernement national-socialiste.

1936 - Le Kunsthaus de Zurich organise l'exposition, Zeit-probleme in der Schweizer Malerei und Plastik (Problèmes actuels de la peinture et de la sculpture en Suisse). Dans le catalogue de l'exposition, Max Bill publie le texte «  Konkrete Kunst » « d'Art Concret ».

1937 - En Allemagne, les national-socialistes dénoncent toutes les tendances artistiques progressistes et, avec elles, le constructivisme, comme ennemies du bien public et art dégénéré. En Suisse, le groupe "Allianz" est créé, qui réunit les peintures et les sculpteurs modernes de notre pays. Exposition (Le constructivisme) à la Kunsthalle de Bâle.

1939 - A Chicago, Moholy-Nagy fonde la (School of Design), un nouveau Bauhaus. Jusqu'au début de la guerre, de nombreux constructivistes européens émigrent aux Etats-Unis (Albers, Gabo, Glarner, et Mondrian, entre autres).

1944 - A Zurich, Max Bill fonde la revue „abstrakt-konkret“. Exposition (L'art concret) à la Kunsthalle de Bâle.

1946 - Fondation à Paris du (Salon des réalités nouvelles).

1948 - Le groupe international (movimento arte concreta) (mac) se crée à Milan.

1955 - A l'occasion de l'exposition (Le Mouvement) à Paris, Vasarely publie son (Manifeste jaune) qui traite du mouvement dans l'art.

1960 - Exposition (Konkrete Kunst, 50 Jahre Entwicklung) (L'art concret, l'évolution de ces 50 dernières années) organisée par Max Bill et Margit Staber au Helmhaus de Zurich.

1965 - Exposition (The Responsive Eve) au Muséum of Modem Art de New York, une représentation des phénomènes de la perception dans l'art.

1967 - Le sculpteur George Rickey publie à New York une première rétrospective complète du constructivisme sous le titre (Constructivism, Origins and Evolution).

1969 - Exposition (Konstruktive Kunst, Elemente und Prinzipiem (L'art constructif, ses éléments et ses principes) à la Biennale de Nuremberg.

1977 - En se basant sur la collection de la McCrory Corporation exclusivement consacrée à l'art constructif, Willy Rotzler publie un ouvrage intitulé (Konstruktive Konzepte, eine Geschichte der konstruktiven Kunst vom Kubismus bis heute) (Les concepts constructivistes, l'historique de l'art constructif du cubisme à nos jours).

 

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A R T   G E O M E  T R I Q U E

 

Tendance de l’Art du XXe siècle qui expérimente systématiquement le pouvoir esthétique ou expressif des lignes, des figures géométriques, des couleurs en aplats.
L’Art Géométrique est exact, rigoureux et précis.

Comme l’architecture, elle repose sur une organisation de l’espace, soit par des lois de construction édictées par les artistes, soit par simple recherche de pureté qui peut aller jusqu’au dépouillement complet, comme l’a fait Malévitch en 1910 en peignant un carré noir sur fond blanc.
Ce sont des approches formelles, des expériences qu’il a bien fallu faire pour aller jusqu’au bout de la démarche de coloriage d’un rectangle de toile ; de telles oeuvres peuvent être belles car pures, équilibrées et, par cette beauté dépouillée, susciter le calme, l’aboutissement, l ’accord avec soi, ou au contraire la nullité et le vide.

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L'ABSTRACTION GÉOMÉTRIQUE EN FRANCE
DES ANNÉES 1910 AUX ANNÉES 1950…

L’abstraction se présente comme un point de non retour…

Depuis les origines, la peinture et la sculpture sont des arts figuratifs (par figuratif on désigne la représentation de la nature, des figures et des objets qui s’y trouvent). Lorsque les artistes interprètent les formes, en stylisant, simplifiant, distordant, géométrisant… y compris comme le font les cubistes, leur langage est encore figuratif.

Au début du XXe siècle, l’art abstrait est un phénomène entièrement nouveau, sans équivalent dans le passé et qui surgit presque simultanément dans plusieurs pays à la fois. Parce que les artistes qui l’inventent ont conscience de la « révolution » provoquée, ils éprouvent le besoin d’accompagner celle-ci de textes, théories, manifestes ou encore bulletins, lesquels ont pour fonction de justifier leurs recherches et pour effet, comme très souvent aux temps des pionniers, de radicaliser leurs démarches. 

Depuis les origines deux formes d’art n’entretiennent pas de relation d’imitation (mimêsis) avec la réalité. Il s’agit de la musique et de l’architecture : langages abstraits par définition (bien que reconnus aptes à narrer ou à suggérer), ils serviront d’exemples à la cause abstraite.

L’avènement de l’art abstrait, même si on lui attribue un certificat de baptême ici ou là, pour des raisons fortuites ou accidentelles est l’aboutissement d’un processus engagé par le nombre important de mouvements novateurs qui ont contribué à creuser l’écart avec la représentation réaliste du monde (symbolisme, post-impressionnisme, expressionnisme, fauvisme, cubisme…) 

Il est d’usage d’opérer une distinction entre deux sensibilités divergentes dès l’origine de l’abstraction.
L’une est qualifiée de lyrique et revendique la paternité du peintre russe Kandinsky, dont les premières œuvres abstraites de 1912 (Compositions, Impressions, Improvisations), s’accompagnent la même année d’un essai Du Spirituel dans l’Art, considéré comme texte fondateur de l’art abstrait. Cette tendance dite lyrique fait la part belle à l’expression des sentiments intérieurs, états d’âme, pulsions, recherche métaphysique, philosophique… et fait référence à l’univers musical.

L’autre courant désigné comme géométrique utilise les conquêtes formelles du cubisme et revendique des recherches d’ordre structurel dégagées de toute subjectivité. On retient habituellement le nom de deux artistes qui font école : en Russie, Malevitch, fondateur du suprématisme (Carré noir sur fond blanc, 1915) et en Hollande, Mondrian qui entreprend dès 1912 une abstraction par étapes et fonde le Néoplasticisme avec la revue De Stijl (le Style). L’abstraction géométrique diversifie rapidement ses pratiques du côté de la sculpture et de l’architecture.

Ainsi classées schématiquement, les tendances de l’abstraction permettent d’aller à l’essentiel et de dégager des orientations qui se sont globalement maintenues au cours du XXe siècle ; elles ne rendent en revanche pas bien compte de la complexité des origines (Kupka, Delaunay, Magnelli) et de la diversification ultérieure… 

Dès sa création, l’art abstrait apparaît à ses créateurs et à ses défenseurs comme un point de non retour ; terme d’une histoire qui doit reléguer définitivement la figuration… il y va de l’art comme parfois des religions : ici, l’exercice de la foi n’admet pas le partage. Et l’époque est à la guerre ; fratricide, certes et donc sans concession.

La prise de position n’empêche néanmoins pas la « contamination » et bien des figuratifs cèderont aux sirènes abstraites qui leur murmurent des airs de liberté plastique et chromatique. Ainsi dans l’immédiat après-guerre (c'est-à-dire juste après la phase d’élaboration et de diffusion européennes de l’abstraction), Matisse, Léger ou Klee se livrent à des jeux formels, rythmiques et colorés intégrant des éléments réalistes.

En 1925, s’ouvre l’exposition « l’Art d’aujourd’hui » qui montre un panorama des tendances contemporaines : c’est le vocable « art non imitatif » qui sert à rassembler des cubistes tels que Picasso ; des surréalistes ; Arp ; des constructivistes ; Klee… c’est en fait Léger qui occupe la grande salle, celui dont  « l’abstraction mécanomorphe » s’inscrit parfaitement dans  l’idéologie de machiniste de cette époque.

Influences croisées

L’abstraction géométrique, dont le vocabulaire plastique se présente de manière assez homogène a en fait des origines diverses.

Le Cubisme (dans sa phase analytique) a sans nul doute joué un rôle capital en se donnant pour objectif de décomposer les formes : la structuration forte de la surface, les ambiguïtés entre le plan et l’espace profond, la géométrisation des figures introduisent un nouveau langage formel. Un certain nombre de sculpteurs, transposant en 3D les « codes » cubistes, font ainsi disparaître le sujet et tendent vers l’abstraction. Abstraits ? Figuratifs ? Difficile de savoir… Ainsi Henri Laurens et ses sculptures polychromes aux plans décalés ; Brancusi et ses structures originelles d’inspiration primitiviste ; Duchamp-Villon et Jacques Villon dont les plans articulés ont l’air d’être des pièces d’architecture ; Archipenko qui fait valoir l’évidement des formes etc.

Par le terme Orphisme, Apollinaire désigne l’œuvre de Delaunay. Ici, on décompose encore ; mais cette fois des éléments immatériels évoquant symboliquement la vie moderne : la vitesse et la lumière. L’image se brise pour engendrer des formes (prismatiques) et des rythmes circulaires.

L’abstraction qui est en germe dans les premiers tableaux devient rapidement la substance même de l’œuvre. C’est probablement sa passion pour la physique et l’optique qui conduit le tchèque Kupka, installé à Paris, à pratiquer une peinture abstraite dès 1912. De cette œuvre inclassable, oscillant entre austérité et lyrisme, on retiendra le titre de son premier tableau abstrait : Amorpha (1912).

La contribution russe : Le Suprématisme de Malevitch date de 1913 ; c'est-à-dire la même année que le Manifeste du Rayonnisme de M. Larionov et que le Sacre du Printemps de Stravinsky.

Faste époque pour la circulation européenne des idées et des talents. Kandinsky anime le foyer munichois ouvert aux échanges internationaux. En 1914, le futuriste italien Marinetti fait une tournée de conférences à Moscou et à Petrograd (ce qui vaudra très injustement le nom de futuristes russes aux constructivistes ). La même année, Tatline qui avait rencontré Picasso à Paris, expose ses premiers tableaux reliefs abstraits en bois, fer, carton, plâtre… à Moscou. L’influence occidentale pénètre rapidement en Russie à la faveur d’expositions, de publications, de voyages d’artistes, de prospections de collectionneurs mais aussi parce que ce pays ancré dans la tradition et désireux de s’émanciper a absorbé d’un coup les recherches les plus avant-gardistes.

Pour Michaïl Larionov et sa femme Natalia Gontcharova, le Rayonnisme fait la synthèse de plusieurs tendances : le tableau est une production colorée de rayons lumineux qui s’entrecroisent.

Malevitch fonde le Suprématisme. Véritable ascèse plastique :son travail géométrique est basé sur les rapports que le carré, le triangle, le cercle et la croix entretiennent avec l’espace du tableau. Rapport dont le point de non retour semble atteint  en 1918 avec Carré blanc sur fond blanc. Le Suprématisme, mouvement éphémère, ne finit pas de mesurer sa force d’impact tout au long du XXe siècle, dans les multiples débats et mouvements picturaux qu’il génère.

C’est à partir d’outils tels que compas et règles que s’élabore le langage plastique de Rodchenko, rapidement annexé par le constructivisme et l’art industriel au service de la société issuede la Révolution d’Octobre. L’Avant-garde artistique composée de poètes, cinéastes, photographes, peintres, architectes, publicitaires diffuse ses idées et se structure au sein de la revue Lef dirigée par le poète Maïakovski. Des constructeurs sculpteurs comme Tatline, Gabo, Pevsner ou encore des graphistes comme El Lissitzky, utilisent les conquêtes formelles du cubisme et du suprématisme et les transposent dans les Arts appliqués. Le 5 août 1920, Gabo et Pevsner publient à Moscou le Manifeste du réalisme que l’avenir a retenu comme le Manifeste du Constructivisme.

Pendant une dizaine d’années, les artistes russes vont investir tous les domaines de la création. Puis dans les années 30, le Constructivisme est déclaré contre-révolutionnaire ; interdit en peinture, en architecture, en sculpture, en arts appliqués. La chape stalinienne du Réalisme socialiste va s’employer à faire oublier ce « moment d’égarement ». 

C’est le Bauhaus (« maison de la construction » ; école créée à Weimar par ’architecte Gropius) qui recueille l’héritage du Constructivisme notamment grâce aux liens d’amitié entre El Lissitzky et Moholy Nagy.
Mondrian et le groupe hollandais De Stijl. L’expérience se veut impersonnelle, objective et universelle. Elle se révèle du même ordre que chez les Russes et utilise un langage géométrique qui fait valoir le plan du tableau par des recherches qualifiées de structurelles ou architecturales. A l’abstraction, Mondrian parvient par un processus de décantation : la Série des arbres (1909-1912) est une démonstration de la structure dualiste (horizontale/verticale) qui sous-tend toute chose… S’abstraire du réel, de l’anecdote, du monde sensible pour accéder à l’essentielau permanent (préférence pour l’idéal platonicien et rejet de la mimêsis d’Aristote qui, jusque là, avait régi la peinture figurative). Mondrian élabore un système de grilles et de plans privilégiant l’angle droit et faisant valoir la planéité contre la profondeur illusionniste grâce aux aplats de couleurs. Ici, même la courbe est exclue. Avec Théo Van Doesburg, il fonde en 1916 la revue De Stijl. C’est en Hollande qu’il rencontre des artistes aux démarches voisines des siennes : Vantongerloo, Van der Leck, également des architectes : J. J. P. Oud et G. T. Rietveld dont les réalisations appliquent les principes clairs et rigoureux de la géométrie. En 1920, il publie le Néoplasticisme, doctrine de la plastique pure où le dépouillement extrême des moyens picturaux est seul apte à traduire l’universalité des choses du monde. Aujourd’hui, son œuvre apparaît encore comme source directe de plusieurs courants de l’art abstrait, notamment ceux qui ont vu le jour dans les années 50 en France et aux U.S.A., pays où il se réfugie avec de nombreux autres au moment de la guerre.

On a dit que l’abstraction géométrique se méfie du sentiment, de l’individu… Est-il vraiment si matérialiste qu’on le dit ? farouchement opposé à toute transcendance ? (comme c’est le cas de l’abstraction froide américaine et du Hard Edge dans les années 1960 avec Kelly, Noland, Stella…)

N’y a-t-il pas une forme d’idéalisme, de « lyrisme » et ceci même contenu dans les manifestes ?

Le parti pris d’ordre structurel ou architectural a certes pour vocation d’évincer tout contenu subjectif (ce que Kandinsky nomme la nécessité intérieure qu’il revendique comme source légitime d’inspiration). Visant l’objectivité et l’universalité absolue, la géométrie ne renvoie dans un premier temps qu’à l’objet même qui la génère, c'est-à-dire le tableau. L’œuvre est conçue comme un phénomène plastique pur ne connotant rien d’autre que son évidente réalité et surtout pas quelqu’ émotion intérieure ou état d’âme.

Voici une ou deux remarques qui peuvent nuancer ce propos. L’œuvre d’art répugne à se présenter comme une spéculation gratuite, c'est-à-dire comme un jeu plus ou moins réussi de formes et de couleurs, ce à quoi on a parfois voulu la réduire. Oui, elle se réalise pleinement grâce à la liberté conquise de son nouveau langage. Elle ne se limite pas pour autant à sa seule matérialité (comme ce sera le cas chez Stella qui prône une abstraction littérale : « Ce que vous voyez est ce que vous voyez ») dans bien des cas, l’œuvre géométrique est métaphordu monde, anticipation sociale, élément indispensable d’un mieux vivre… L’œuvre d’art transcende la réalité tangible ; elle parvient à atteindre la loi ou les lois qui régissent celle-ci (exprimées au moyen d’un nouveau lexique formel mis au point par l’artiste). Chaque tableau se présente comme une variante de cette loi universelle. Il y a cette dimension spirituelle chez le plus géométrique des abstraits et une quête sous-tend sa recherche : la théosophie de Mondrian rejoint l’humanisme ou la résurgence néo-platonicienne de quelques autres «  J’ai toujours aimé les peintres qui cherchent à créer un absolu de la peinture », déclare Marcelle Kahn. Malevitch, lui, rêve d’un futur où la perfection serait universelle : « Plongez- vous dans la blancheur, Camarades pilotes, à mes côtés et nagez dans cet infini ». Plus tard, Jean Gorin voit dans la plastique constructive une « expression du cosmos ».

D’autre part, on constate que bon nombre de grands abstraits géométriques ont ponctuellement ou parallèlement une production que l’on peut qualifier de lyrique, c'est-à-dire ouverte sur des recherches plus sensibles de formes, de couleurs et de rythmes. Chez Kupka par exemple, des formes libres et des cercles bouillonnants peuvent coexister avec des rectangles tracés au tire-ligne. Arp quant à lui, se sert de machines et utilise du ripolin pour réaliser ses Bois découpés ; au final ceux-ci, produits volontairement de manière mécanique, se révèlent plein d’humour et d’inventivité. C’est encore ce dernier qui participe aux trois avant-gardes de l’entre-deux guerres : Dada, démonstration par l’absurde (et l’iconoclasme) de l’impuissance et de la vanité de l’art face à la barbarie des hommes ; le Surréalisme, expression littéraire et artistique des domaines encore inexplorés de l’inconscient et Cercle et Carré, mouvement radical de l’abstraction (mouvement auquel   il  substitue  d’ailleurs  celui  d’Art  Concret  qui  se  veut  encore  plus   intransigeant) ;  trois  mouvements aux programmes franchement opposés qui connurent néanmoins quelques transfuges.

Une traversée du désert

Une période de reflux, pour ne pas dire d’occultation fait suite à l’émergence et aux premiers succès de l’abstraction en France. Paradoxalement, alors que le public, la critique, les institutions boudent l’art abstrait entre les deux guerres, ce dernier compte un nombre important et constant de créateurs ; mais leur activité demeure « souterraine ».

Il faut dire qu’au lendemain de la Grande Guerre, l’heure est plutôt à la frilosité, au repli, à la nostalgie pourquoi pas d’un certain classicisme. On veut oublier les années de peur et de cauchemar, on veut profiter du moment présent et de la paix retrouvée, on veut vivre dans un environnement de choses aimables, accessibles… mais point trop rétrogrades : on concilie tradition et modernité. La France se reconstruit dans le style Arts Déco, habillée par Poiret et croquée par Dufy. 

Le petit groupe de Dadaïstes parisiens ainsi que les militants du Stijl font figures de troublions ou de puritains avec leurs bouffonneries et leur tire-lignes. La référence artistique, c’est plutôt l’Ecole de Paris dont les principaux membres sont des peintres figuratifs (Modigliani, Chagall, Soutine…).

Le cubisme lui, représente toujours l’avant-garde, même si parmi ses inventeurs, le plus célèbre d’entre eux, Picasso, s’en éloigne à partir de 1925. Récupéré par le style Art Déco (style Nouille 1900 ou Modern Style version géométrique, faisant la part belle à la polychromie de matériaux tels que céramique, marbre, stuc…), le cubisme en perdant sa charge subversive, se dilue dans l’environnement de tout un chacun.

A partir de 1930 (avec la diffusion de la psychanalyse), c’est surtout le Surréalisme d’André Breton qui occupe le devant de la scène : ses images suggèrent une poésie propre à « noircir des pages d’écriture » qu’inspire plus difficilement l’art abstrait. Passé sous silence et ainsi disqualifié par la critique, ce dernier ne devra son salut qu’à lui même.

En effet, de manière locale ou internationale, sous forme de publications diverses, la « résistance » et la diffusion s’organisent. L’art abstrait est un phénomène international, mais contrairement à d’autres pays comme l’U.R.S.S. (avec le Constructivisme), l’Allemagne (avec le Bauhaus), la Hollande (avec De Stijl), la France n’intègre pas le nouvel art à sa société. 

En 1920, l’architecte Le Corbusier, représentant du Style International (initié par Gropius et très largement inspiré des idées du Bauhaus et du Stijl), est systématiquement dénigré en France et ses architectures qualifiées de « style boche » ou de « style bolchevique ». C’est à cette date que l’architecte publie la revue l’Esprit Nouveau (1920-1925) à laquelle collaborent des peintres abstraits.

De manière plus locale mais tout aussi militante, la revue Vouloir, paraît sur Lille et sa région de 1924 à 1927. Un groupe d’écrivains et d’artistes, parmi lesquels Felix Del Marle, est à l’origine de cette publication qui a pour but de réfléchir sur la place de l’art dans l’environnement en diffusant les idées du constructivisme russe et de Mondrian.
 
Privé de reconnaissance, l’art abstrait en France ne s’avoue pas vaincu. Paradoxalement la France devient même une terre d’asile ou de rencontre pour de nombreux artistes étrangers : en mettant un terme au mariage d’amour entre la Révolution et le Constructivisme, Staline anéantit la plus audacieuse des avant-gardes. Certains de ses membres (Naum Gabo et Antoine Pevsner) viennent s’installer en France. Les membres du Stijl sont également présents, dont Mondrian qui fait figure de Maître. La fermeture du Bauhaus par les nazis en 1933 sera l’occasion d’une nouvelle migration vers la France : Schwitters, Freundlich, Moholy Nagy et Kandinsky qui s’installe à Neuilly.

 «  Paris devient après Berlin la capitale de l’art abstrait, alors même que cet art y est encore ignoré voire combattu… »  (M. A. Prat)

Les temps modernes

Quelle soit confidentielle ou largement diffusée, la pensée abstraite génère un foisonnement de publications qui témoigne de l’engagement de ses créateurs : ceux-ci sont convaincus d’être les découvreurs d’un univers de formes capables de remodeler l’environnement des hommes, jusqu’au cœur des cités, dans la perspective radieuse d’une harmonie enfin envisageable.

En effet, au lendemain de l’exposition des Arts Décoratifs de 1925, il est clair que l’industrie et ses produits manufacturés ont tout à gagner à lorgner du côté des arts pour séduire et convaincre (se concrétise alors l’idée d’un Design industriel et sa devise ordinaire : « ce qui est laid se vend mal »)  Dans un autre ordre d’idées, d’un point de vue plus philosophique que commercial, les abstraits travaillent à changer la vie et c’est spontanément vers l’architecture « ces machines à vivre », que se tournent notamment les abstraits géométriques : la rigueur de leurs formes se prête aux exigences fonctionnalistes et rationalistes de l’architecture internationale.

Progression et regroupements de
l’abstraction géométrique

Jusqu’en 1930, les peintres abstraits assurent malgré un contexte défavorable, la « continuité stylistique ». Les pratiques se diversifient et s’amplifient : une deuxième génération d’artistes qui n’a pas eu à se dégager de la figuration entre de plain pied dans l’abstraction.

C’est à l’initiative du poète belge, Michel Seuphor et du peintre uruguayen Torrès Garcia qu’est fondé à Paris en 1930 le groupe Cercle et Carré. Trois revues seront publiées avant la dispersion du groupe en 1931. C’est un ralliement hétérogène d’artistes qui s’inscrivent néanmoins dans les grandes lignes précédentes de l’abstraction. Une exposition a lieu à la galerie 23 où se manifeste une sorte de front uni contre la figuration. On y rencontre Kandinsky, Mondrian, Le Corbusier, Arp, Vantongerloo… Le but ici est double : apparaître sur la scène en regroupant ses forces et contre- balancer l’influence grandissante du surréalisme dont les valeurs littéraires, subjectives, narcissiques, érotico-morbides sont  aux antipodes de l’objectivité revendiquée par tout ce courant de l’abstraction.

Après sa dispersion, Cercle et Carré revit aussitôt, presque à l’identique (c'est-à-dire avec globalement les mêmes membres) en 1931 et porte le nom de Abstraction Création. Herbin et Vantongerloo en sont les fondateurs. Ce groupe vit jusqu’en 1937 à raison d’une exposition annuelle et se désagrège lui même pour laisser la place au Salon des Réalités Nouvelles. 

C’est encore la phase héroïque de l’art abstrait : Abstraction Création publie son album annuel dans lequel illustrations et commentaires sont une mine d’informations. Herbin, personnalité marquante du mouvement a rejoint l’abstraction après sa période cubiste ; il est déterminé à se débarrasser de l’objet comme obstacle majeur à l’expression de l’être dans sa quête des « vérités essentielles ».

Abstraction Création dont la tendance dominante est l’abstraction géométrique, compte au plus fort de son succès 400 membres, toutes nationalités confondues. Quel paradoxe pour un courant qui œuvre toujours à l’écart de la presse et des acheteurs ! (L’exposition de 1935  regroupe 416 peintres et sculpteurs français, anglais, hollandais, suisses, allemands et américains). Ce qui fait la force du groupe, le nombre, fait aussi sa faiblesse… Comment parvenir à une unité théorique sachant que différentes sensibilités coexistent inévitablement ? La position dogmatique de Herbin ou de Vantongerloo, pourfendeurs d’hérésie (traquant la figuration même résiduelle), s’accommode mal de la tolérance pourtant nécessaire, face au nombre et dans un contexte d’hostilité.
 
Néanmoins, l’association perdure et s’appuie sur une publication annuelle jusqu’à son terme en 1936.

Abstraction Création fournit par là un cadre idéologique et une assistance morale à des artistes venus de différents horizons et dont l’engagement artistique se vit parfois dans la précarité matérielle.

Le succès de l’art abstrait doit également beaucoup à la diffusion des écrits théoriques produits par les pionniers. Bien que tous différents, ils ont permis de rationaliser l’imagination et de poser les termes d’un débat qui s’est nourri d’apports. A ce moment de son histoire, la production abstraite est cependant inégale. On a pu regretter en effet l’apparition de médiocres épigones, signe d’un appauvrissement  de  la  leçon  ou  d’une  absence  de  contenu tout simplement. La « mode » s’étant  emparée du vocabulaire formel de l’abstraction géométrique notamment, c’est l’aspect extérieur, c'est-à-dire une certaine facilité qui prévaut sur l’instinct créateur.

Renouant avec la tradition des rassemblements militants, le premier Salon des Réalités Nouvelles est créé en 1946. Il devient pendant un temps le « fief » de l’abstraction géométrique avec Arp, Atlan, Del Marle, Dewasne, Gleizes, Hartung, Domela, Albers, Deyrolle, Gorin, M. Cahn… Les abstraits géométriqu es renouvellent à cette époque le thème du mouvement, notammentau sein du courant cinétique. 

L’après-guerre connaît une floraison de salons. On assiste à une montée en puissance de l’art abstrait sur la scène parisienne mais également en province : ainsi le Ggroupe Structures fondé à l’initiative d’un Bordelais (J. M. Gay), voit le jour en 1952. Cette tentative de décentralisation attire et fait connaître de nombreux artistes comme Roger Desserprit, Aurelie Nemours, Marcelle Cahn, Francis Pellerin.

D’autres courants de l’abstraction apparaissent au cours de cette décennie : ils sont synonymes de libre expression, prônent le surgissement des formes (taches), la valeur du geste (lyrisme) et la picturalité (empâtements, coulures, projections…). A partir de 1947, Mathieu, Riopelle, Bryen, Wols peuvent se reconnaître dans une abstraction lyrique et informelle et faire concurrence aux abstraits géométriques, y compris au Salon des Réalités Nouvelles dont ils ont poussé la porte. 

A partir de 1956, l’abstraction géométrique a de plus en plus de mal à contenir la « vague » informelle. Georges Folmer, Léo Breuer, Aurelie Nemours, Jean Dewasne, défenseurs infatigables de la géométrie, assistent à sa marginalisation, alors même que le Salon,  rompant avec ses principes fondateurs, s’ouvre en 1964 à des tendances figuratives.

Andrée CHAPALAIN - 2008

(Conseillère-relais au musée des beaux-arts de Rennes)

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