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LEXIQUE & HISTOIRE DE L’ART (suite 5)

La plupart des artistes   de la K. A. D.  Gallery exposent aux Réalités Nouvelles
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En 1939, l'amateur d'art Frédo-Sidès avait organisé à la galerie Charpentier à l'initiative de Robert et Sonia Delaunay une exposition d'art abstrait qui portait ce nom, qu'il reprend en 1946 lorsqu'il fonda, mais cette fois en collaboration avec Auguste Herbin et Félix Del Marle le seul futuriste français, le Salon des Réalités Nouvelles, formule empruntée à Apollinaire. Le but de ce Salon est d'organiser des expositions d'oeuvres totalement dégagées de la vision directe et de l'interprétation de la nature. Cet extrait du premier article des statuts déposés en 1946 montre le souci des organisateurs de bien définir le champ de leurs préoccupations, en opposition avec l'abstraction lyrique, qui se veut l'expression directe de l'émotion individuelle.
 

Car c'est en 1947, que dans la jeune génération de l'École de Paris d'après-guerre s'est développé sous divers aspects un fort courant d'abstraction lyrique. Et dans leur premier Salon les membres fondateurs de Réalités Nouvelles veulent, comme l'exprime Frédo-Sidès dans l'avant-propos du Cahier n°1 : réserver la première place aux maîtres disparus, dont les œuvres ont contribué à ouvrir la voie... Nos statuts n'impliquant aucune autre restriction que la non-figuration.

Ainsi le Salon ouvre pour la première fois ses portes au Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris le 19 juillet 1946 sous le titre quelque peu ambigu de 1er Salon des Réalités Nouvelles, Art abstrait, concret constructivisme, non figuratif. Il présente à la fois un hommage à la mémoire de Robert Delaunay, Théo Van Doesburg, Duchamp-Villon, Otto Freundlich, Kandinsky, Lissitzky, Malévitch, Mondrian, Sophie Tauber-Arp, et les œuvres de soixante-dix-neuf artistes, dont beaucoup étaient déjà présents à l'exposition Renaissance Plastique de la Galerie Charpentier en 1939. Ceci souligne le fait, qui restera présent jusqu'en 1956 date du dernier Salon des Réalités Nouvelles, et qui tend à montrer que les Réalités Nouvelles couronne l'édifice des avant-gardes. Cette conception est illustrée dans le Cahier n° 2, sous la forme d'un tableau qui va de l'impressionnisme aux Réalités Nouvelles en passant par l'art concret, le rayonnisme, l'orphisme, le suprématisme et le néoplasticisme, le constructivisme, abstraction-création, la jeune peinture abstraite (Cahier n° 2,1948, p. 3).

Les textes d'artistes et les citations associés aux illustrations des Cahiers définissent les tendances esthétiques du groupe et constituent un ensemble de références de l'abstraction géométrique, sans que pourtant se dégage une véritable théorie. La diversité des expressions est grande, tant le concept de « non-figuration » manque d'homogénéité. De ce foisonnement naquit la volonté d'une meilleure définition, qui aboutit en 1948 à un manifeste, qui tentait de répondre à cette ambiguïté. Qu'est-ce que l’art abstrait non figuratif et non objectif ? Sans lien avec le monde des apparences extérieures, c'est pour la peinture, un certain plan ou espace animé par des lignes, des formes, des surfaces, des couleurs, dans leurs rapports réciproques et, pour la sculpture, un certain volume animé par des plans, des pleins, des vides, exaltant la lumière.
Et venant compléter cette déclaration de principe, Folmer écrit dans le Cahier n° 5 (p.4) en 1951 : La nouvelle esthétique qui se lève veut rendre aux couleurs leur place dans l'espace sans les édulcorer à des fins de trompe l'œil ou de perspective. Utiliser la couleur dans sa pigmentation pure, comme matériau en quelque sorte. Les constructions plastiques réalisées dans l'espace tendent par leur synthèse et leurs plans colorés à se présenter comme des peintures à faces multiples. Leur équilibre de composition désire s'incorporer à l'architecture comme complément d'expression d'une plastique basée sur l'ordre et l'harmonie, ultime aspiration artistique de l'esprit humain.

Mais ce choix de la géométrie ne va pas sans encourir certaines critiques, entre autres, celle d'un nouvel “académisme“ que Charles Estienne fustige en 1950 : les éléments de base du nouveau code plastique, les voici : c'est la forme géométrique et la couleur dite pure... Bref une esthétique picturale du plan coupé et de l'aplat... . L'ennuyeux, le mortel décor abstrait qu'on veut codifier et imposer en guise d'art.
Cette condamnation aura la vie dure et entraînera des transformations qui trouveront leur aboutissement au Salon de 1956, dont le président d'honneur sera Kupka, le président honoraire Pevsner, le secrétaire général Folmer et qui ouvrira ses portes sous un nouveau titre : Réalités Nouvelles, Nouvelles Réalités. Pour assumer pleinement la signification de son titre, le Salon des Réalités Nouvelles, écrit Gindertael dans le Cahier n 10 (p.35) se devait de faire apparaître à sa cimaise avec des « Nouvelles Réalités » les oppositions de tendances que provoquent des dispositions individuelles... Le rôle efficace d'un Salon n'est-il pas justement de favoriser la rencontre d'efforts et de réalisations, que l'individualisme inhérent à la création artistique eut sinon maintenu séparés... Si certains esprits chagrins sont préoccupés par la confusion qui règne, à leurs yeux, dans le monde de l'art non figuratif... celle-ci bénéfique, marque le tournant d'une nouvelle époque et correspond à une prise de conscience “bouleversante” pour laquelle les Réalités Nouvelles ont voulu témoigner.

 

Ainsi s'achève cette aventure, sur une ouverture, un refus d'enfermer l'art abstrait dans des limites trop rigides, une incertitude aussi car dans ce double et parallèle courant des abstractions lyriques et géométriques, parfois les frontières se diluent et les genres se confondent. Et si l'on cherche à savoir quelle fut la postérité de cette abstraction géométrique qui croit et se développe jusqu'aux années 60 -70, elle trouva aussi une forme d'expression dans l’art cinétique, ne fut pas négligeable dans l'évolution d'un artiste comme Yves Klein, mais surtout se développa aux États Unis avec le Minimal Art dont Frank Stella est l'artiste le plus représentatif.

Folmer n'était pas seul, même s'il l'a cru parfois, dans cette aventure de l'abstraction et de la géométrie, qu'il a poursuivi sans relâche. Il s'inscrivait en fait dans une aspiration pleine d'exigences qui a parcouru tout le XXe siècle, et qu'ont partagée, de Mondrian à Morris Louis et Kenneth Noland, les plus grands artistes de ce temps.

 

Claude PETRY - 1993
Conservateur du Patrimoine aux Beaux-Arts

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